De Livno a Scign en Dalmatie il n'y a qu'une douzaine de lieues. Les fugitifs s'y trouverent bientot sous la protection du gouvernement venitien et a l'abri des poursuites de l'ayan. Ce fut dans cette ville que Maglanovich fit sa premiere chanson: il celebra sa fuite dans une ballade, qui trouva quelques admirateurs et qui commenca sa reputation. {2}
Mais il etait sans ressources d'ailleurs pour subsister, et la nature lui avait donne peu de gout pour le travail. Grace a l'hospitalite morlaque, il vecut quelque temps de la charite des habitants des campagnes, payant son ecot en chantant sur la guzla quelque vieille romance qu'il savait par c"?"ur. Bientot il en composa lui-meme pour des mariages et des enterrements, et sut si bien se rendre necessaire, qu'il n'y avait pas de bonne fete si Maglanovich et sa guzla n'en etaient pas.
Il vivait ainsi dans les environs de Scign, se souciant fort peu de ses parents, dont il ignore encore le destin, car il n'a jamais ete a Zuonigrad depuis son enlevement.
A vingt-cinq ans c'etait un beau jeune homme, fort, adroit, bon chasseur et de plus poete et musicien celebre; il etait bien vu de tout le monde, et surtout des jeunes filles. Celle qu'il preferait se nommait Marie et etait fille d'un riche morlaque, nomme Zlarinovich. Il gagna facilement son affection et, suivant la coutume, il l'enleva. Il avait pour rival une espece de seigneur du pays, nomme Uglian, lequel eut connaissance de l'enlevement projete. Dans les m?urs illyriennes l'amant dedaigne se console facilement et n'en fait pas plus mauvaise mine a son rival heureux; mais cet Uglian s'avisa d'etre jaloux et voulut mettre obstacle au bonheur de Maglanovich. La nuit de l'enlevement, il parut accompagne de deux de ses domestiques, au moment ou Marie etait deja montee sur un cheval et prete a suivre son amant. Uglian leur cria de s'arreter d'une voix menacante. Les deux rivaux etaient armes suivant l'usage. Maglanovich tira le premier et tua le seigneur Uglian. S'il avait eu une famille, elle aurait epouse sa querelle, et il n'aurait pas quitte le pays pour si peu de chose; mais il etait sans parents pour l'aider, et il restait seul expose a la vengeance de toute la famille du mort. Il prit son parti promptement et s'enfuit avec sa femme dans les montagnes, ou il s'associa avec des heyduques {3}.
Il vecut longtemps avec eux, et meme il fut blesse au visage dans une escarmouche avec les pandours4). Enfin, ayant gagne quelque argent d'une maniere assez peu honnete, je crois, il quitta les montagnes, acheta des bestiaux et vint s'etablir dans le Kotar avec sa femme et quelques enfants. Sa maison est pres de Smocovich, sur le bord d'une petite riviere ou d'un torrent, qui se jette dans le lac de Vrana. Sa femme et ses enfants s'occupent de leurs vaches et de leur petite ferme; mais lui est toujours en voyage; souvent il va voir ses anciens amis les heyduques, sans toutefois prendre part a leur dangereux metier.
Je l'ai vu a Zara pour la premiere fois en 1816. Je parlais alors tres facilement l'illyrique, et je desirais beaucoup entendre on poete en reputation. Mon ami, l'estimable voivode Nicolas***, avait rencontre a Biograd, ou il demeure, Hyacinthe Maglanovich, qu'il connaissait deja, et sachant qu'il allait a Zara, il lui donna une lettre pour moi. Il me disait que, si je voulais tirer quelque chose du joueur de guzla, il fallait le faire boire; car il ne se sentait inspire que lorsqu'il etait a peu pres ivre.
Hyacinthe avait alors pres de soixante ans. C'est un grand homme, vert et robuste pour son age, les epaules larges et le cou remarquablement gros; sa figure est prodigieusement basanee; ses yeux sont petits et un peu releves du coin; son nez aquilin, assez enflamme par l'usage des liqueurs fortes, sa longue moustache blanche et ses gros sourcils noirs forment un ensemble que l'on oublie difficilement quand on l'a vu une fois. Ajoutez a cela une longue cicatrice qu'il porte sur le sourcil et sur une partie de la joue. Il est tres extraordinaire qu'il n'ait pas perdu l'?il en recevant cette blessure. Sa tete etait rasee, suivant l'usage presque general, et il portait un bonnet d'agneau noir: ses vetements etaient assez vieux, mais encore tres propres.
En entrant dans ma chambre, il me donna la lettre du voivode et s'assit sans ceremonie. Quand j'eus fini de lire: vous parlez donc l'illyrique, me dit-il d'un air de doute assez meprisant. Je lui repondis sur-le-champ dans cette langue que je l'entendais assez bien pour pouvoir apprecier ses chansons, qui m'avaient ete extremement vantees. Bien, bien dit-il; mais j'ai faim et soif: je chanterai quand je serai rassasie. Nous dinames ensemble. Il me semblait qu'il avait jeune quatre jours au moins, tant il mangeait avec avidite. Suivant l'avis du voivode, j'eus soin de le faire boire, et mes amis, qui etaient venus nous tenir compagnie sur le bruit de son arrivee, remplissaient son verre a chaque instant. Nous esperions que quand cette faim et cette soif si extraordinaires seraient apaisees, notre homme voudrait bien nous faire entendre quelques uns de ses chants. Mais notre attente fut bien trompee. Tout d'un coup il se leva de table et se laissant tomber sur un tapis pres du feu (nous etions en decembre), il s'endormit en moins de cinq minutes, sans qu'il y eut moyen de le reveiller.
Je fus plus heureux, une autre fois: j'eus soin de le faire boire seulement assez pour l'animer, et alors il nous chanta plusieurs des ballades que l'on trouvera dans ce recueil.
Sa voix a du etre fort belle; mais alors elle etait un peu cassee. Quand il chantait sur sa guzla, ses yeux s'animaient et sa figure prenait une expression de beaute sauvage, qu'un peintre aimerait a exprimer sur la toile.
Il me quitta d'une facon etrange: il demeurait depuis cinq jours chez moi, quand un matin il sortit, et je l'attendis inutilement jusqu'au soir. J'appris qu'il avait qutte Zara pour retourner chez lui; mais en meme temps je m'apercus qu'il me manquait une paire de pistolets anglais qui, avant son depart precipite, etaient pendus dans ma chambre. Je dois dire a sa louange qu'il aurait pu emporter egalement ma bourse et une montre d'or qui valaient dix fois plus que les pistolets, qu'il m'avait pris.
En 1817 je passai deux jours dans sa maison, ou il me recut avec toutes les marques de la joie la plus vive. Sa femme et tous ses enfants et petits-enfants me sauterent au cou et quand je le quittai, son fils aine me servit de guide dans les montagnes pendant plusieurs jours, sans qu'il me fut possible de lui faire accepter quelque recompense.
1) Tous ces details m'ont ete donnes en 1817 par Maglanovich lui-meme.
2) J'ai fait de vains efforts pour me la procurer. Maglanovich lai-meme l'avait oubliee, ou peut-etre eut-il honte de mе reciter son premier essai dans la poesie.
3) Espece de bandits.
Вурдалаки, вудкодлаки, упыри, — мертвецы, выходящие из своих могил и сосущие кровь живых людей.
Лекарством от укушения упыря служит земля, взятая из его могилы.
По другому преданию, Георгий сказал товарищам: «Старик мой умер; возьмите его с дороги».
Прекрасная эта поэма взята мною из Собрания сербских песен Вука Стефановича.
Песня о Яныше королевиче в подлиннике очень длинна и разделяется на несколько частей. Я перевел только первую, и то не всю.
Hamlet
В посольстве.
2 Пересесть кого — старинное выражение, значит занять место выше
Известный любитель древности, умерший несколько лет тому назад
Зима мне рыхлою стеною
К воротам заградила путь;
Пока тропинки пред собою
Не протопчу я как-нибудь,
Сижу я дома, как бездельник;
Но ты, душа души моей,
Узнай, что будет в понедельник,
Что скажет наш Варфоломей.
Брат милый, отроком расстался ты со мной -
В разлуке протекли медлительные годы;
Теперь ты юноша — и полною душой
Цветешь для радостей, для света, для свободы.
Какое поприще открыто пред тобой,
Как много для тебя восторгов, наслаждений
И сладостных забот, и милых заблуждений!
Как часто новый жар твою волнует кровь!
Ты сердце пробуешь, в надежде торопливой,
Зовешь, вверяясь им, и дружбу и любовь.
"Куда вы? за город конечно,
Зефиром утренним дышать
И с вашей Музою мечтать
Уединенно и беспечно?"
— Нет, я сбираюсь на базар,
Люблю базарное волненье,
Скуфьи жидов, усы болгар,
И спор и крик, и торга жар,
Нарядов пестрое стесненье.
Люблю толпу, лохмотья, шум -
И жадной черни лай свободный.
"Так — наблюдаете — ваш ум
И здесь вникает в дух народный.
Сопровождать вас рад бы я,
Чтоб слышать ваши замечанья;
Но службы долг зовет меня,
Простите, нам не до гулянья".
— Куда ж?-
"В острог — сегодня мы
Выпровождаем из тюрьмы
За молдаванскую границу
Кирджали".